Les dossiers de l'UNKA : la découverte de la zone glacée de tribord.


Edmund Sein

Au panthéon des grands hommes ayant bien mérité de la patrie figure depuis novembre 1003 un nom de plus : celui d'Edmund Sein.

Lui et les 40 hommes de son expédition ont pris part à ce qui restera à jamais comme l'une des campagnes d'exploration les plus hardies de l'Histoire d'Alliance : la découverte de la zone glacée de tribord.

Né dans un petit village de l'avant de la province d'Aeton, non loin des berges du gigantesque Hiéropotamos qui constitue l'artère vitale d'Attica, Sein caresse un rêve depuis qu'il est adolescent : traverser la zone glacée pour être le premier à découvrir une nouvelle zone de chaleur (cf IGA pour les références). Toutes sortes de bruits courent sur la réalité de ces zones glacées que l'on suppose border notre anneau de chaleur, leur existence n'a jusqu'alors jamais pu être prouvée définitivement en dépit des observations astronomiques effectuées sur l'Arche (observations diurnes aux conclusions controversées) et de légendes incertaines en provenance des marches d'Alliance.
Travaillé par ce rêve durant toute sa vie, ce n'est pas avant la soixantaine que Sein dispose enfin des ressources pour lancer cette exploration sans précédent.

Il arme deux goélettes, la Pintade et la Nînnoise, embarque des tonnes de nourriture et de matériel qu'il a fait spécialement confectionner pour résister aux grands froids, engage une quarantaine d'aventuriers, de matelots et de scientifiques et part le 28 mai 1003 de Néa-York dans l'indifférence générale.
Les cinq mille premiers milles du voyage se passent bien, les rapides goélettes filent sur l'eau sans s'arrêter ni prêter attention aux tentatives d'approche des divers peuples croisés ici ou là. Edmund Sein est pressé, il sait que le temps joue contre lui s'il veut profiter de l'été pour traverser la zone glacée, si tant est qu'elle existe vraiment.


La Pintade

 

Le 31 juin 1003 l'expédition atteint le carreau n°38, et la réalité de la zone glacée ne fait plus de doutes : une banquise arrête bientôt les navires. Sur cette étendue désolée balayée par un vent glacé, l'expédition débarque et apprête ses traîneaux qui seront tirés par des chimeaux choisis pour leur endurance et leur résistance au froid. Le 2 juillet, le départ est donné et l'expédition laisse derrière elle les deux navires gardés par une dizaine de matelots.


Un chimeau
La banquise est solide et n'oppose guère d'obstacles à la progression du groupe quand soudain un geyser éclate dans un fracas de glace brisée et laisse entrevoir une tête monstrueuse cherchant à happer l'un des membres du groupe. L'expédition vient de faire connaissance avec les redoutables morsoins : énormes bêtes vivant sous la banquise, munies de redoutables dents de sabre et équipées d'une espèce de corne frontale leur permettant de faire sauter une banquise de cinquante centimètres d'épaisseur. Les cinq jours qu'il faudra à l'expédition pour traverser la banquise et atteindre la terre ferme seront un cauchemar ponctué par les attaques renouvelées des morsoins.

En dépit de l'apparente - et heureuse - myopie qui vaut aux monstres de rater le plus souvent leur cible, deux hommes et un chimeau y laisseront la vie, un traîneau et son précieux chargement seront aussi perdus. Ebranlés moralement, les hommes doivent également faire face à un froid de plus en plus intense. Le 21 juillet, l'expédition entre dans le carreau n°39 et le terrain devient plus accidenté, rendant la progression plus lente. La température est désormais si basse (autour de -40° celsius la nuit) que le moindre geste élémentaire pose problème. La révolte gronde et il faut toute la force de caractère d'Edmund Sein pour persuader les hommes de repartir.


Un morsoin
Les chimeaux se révèlent heureusement le moyen de transport adéquat pour de telles conditions, leur pas régulier et infatigable permet à un groupe transi de franchir les limites du carreau n° 40 le 17 août. Les hommes refusent d'aller plus loin, trois des leurs sont morts d'engelures impossibles à soigner. Sein est décidé à continuer, en dépit de ses soixante ans il semble plus vigoureux que n'importe lequel de ses compagnons. Trois hommes acceptent de l'accompagner plus loin, les autres attendront sur place et se construiront tant bien que mal un vrai petit village d'igloos qui les préservera des rigueurs les plus extrêmes du climat.
Edmund Sein repart donc, seul ou presque, les journées sont épuisantes et courtes car il est désormais impératif de construire un igloo avant la tombée de la nuit pour se protéger des -70° nocturnes. Mais sa persévérance est inébranlable et les premières chaînes de montagnes qui se présentent ne l'arrêtent pas : le but de toute une vie soutient sa volonté : traverser la zone glacée. Le succès est si proche : dans quelques centaines de kilomètres à peine le carreau 40 laissera la place au carreau 1 de la nouvelle zone de chaleur, et la température commencera à remonter.
Et le retour ? Edmund Sein ne semble pas s'en soucier, seule compte cette idée qui l'obnubile : aller de l'avant...

Soudain le 30 août, au sommet d'un col, un panorama à couper le souffle mais terrible s'offre aux yeux de l'expédition : à l'horizon des montagnes de plus de 8000 mètres forment une barrière quasiment infranchissable. Mais cela n'arrêterait pas Edmund Sein si un mur immense et gris ne surplombait les plus hautes cimes de plusieurs kilomètres.
Edmund Sein tombe à genoux et pleure son rêve vaincu, des larmes aussitôt gelées coulent de ses yeux. Les seules larmes que ses compagnons se souviendront lui avoir jamais vues.

Il devient manifeste que les Architectes de la légende sont bien une réalité, et qu'ils n'ont pas souhaité que les hommes puissent passer d'une zone de chaleur à l'autre.
Lentement, l'idée s'impose dans l'esprit hébété de ces hommes qui sont allés au-delà du froid et de la fatigue. Ils plantent un drapeau aux couleurs de l'UNKA puis rebroussent chemin, le coeur en berne.

Avec l'automne qui approche puis s'impose, avec à nouveau les attaques des morsoins, le chemin du retour est marqué par plusieurs décès qui ne laissent que trente et un survivants au pied des navires accostés à la banquise, le 30 octobre. Le capitaine de la Pintade avouera plus tard à Edmund Sein qu'il ne s'en était fallu que de quelques jours avant que les goélettes ne remettent le cap sur Attica, considérant l'expédition comme perdue corps et biens.

Les survivants ne sont pourtant pas au bout de leurs peines, sur le chemin du retour les goélettes se font attaquer par une flotte inconnue supérieurement armée, les quelques canons embarqués sur la Pintade et la Nînnoise ne tiennent pas la comparaison et la Nînnoise encaisse quelques coups au but qui compromettent gravement sa survie. Toute l'expédition semble sur le point d'échouer quand une tempête miséricordieuse se lève et disperse la flotte des assaillants. Mais la Nînnoise coule, entraînant avec elle sous les flots neuf hommes supplémentaires et la quasi totalité des chimeaux survivants, ainsi que la perte irréparable des cartes de l'expédition.
Seule, la Pintade poursuit sa route et arrive le 3 novembre en vue des côtes tribord d'Attica. Le 10 novembre, elle entre dans le port de Néa-York où la foule, prévenue de son arrivée, lui réserve une ovation sans commune mesure avec la discrétion qui avait accompagné son départ. Seuls vingt-deux hommes sont revenus vivants de ce voyage dans le froid.

Alors même qu'il considère son expédition comme un échec, Edmund Sein est fêté en héros national. Dans les semaines qui suivent le voilà bombardé membre honoraire de la Société Géographique de Néa-York, reçu en grande pompe et décoré par le gouvernement qui siège alors à Adrissènes, fêté comme un enfant du pays à Doxa, la capitale de sa province natale... et pressé partout de raconter son extraordinaire aventure.

Un hommage mérité, car la moisson d'informations scientifiques récoltée est d'importance : Edmund Sein a apporté la preuve de l'existence de la zone glacée qui sépare deux zones de chaleur, il a également découvert de nombreuses espèces animales.
Mais l'enseignement majeur de cette expédition est sans nul doute la révélation de la présence d'un mur immense dont personne ne soupçonnait l'existence et qui empêchera probablement à tout jamais les espèces de deux zones de chaleur de se mêler. Quant à cette dernière découverte, qui établit de façon irréfutable l'origine artificielle de l'Anneau, nous ne sommes qu'à l'aube de pressentir les effets qu'elle pourra avoir sur les philosophies ou religions d'Alliance.